Pascal Lamy, Directeur Général de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) fait une analyse de la mondialisation et du protectionisme dans Le Point du 19 Janvier 2012
Une classe politique française enfermée dans une vision très idéologique
"Ce qui frappe en France, c'est que les préoccupations protectionnistes traversent tout le spectre politique de l'extrême droite à l'extrême gauche. Et que le débat occupe d'avantage la classe politique que les millieux d'affaires. Dans les quelques pays - Etats-Unis, Chine, Brésil - où le protectionnisme est évoqué, il s'agit de défendre des secteurs, l'acier, l'automobile, le textile, le sucre.....La démarche est concrète, pragmatique. En France, on refait le monde. Ce sont des discussions abstraites, étonnamment éloignées de la réalité.
L'Europe n'est pas une "passoire"
Le montant des droits de douane perçus par l'Union européenne, les Etats-Unis ou le Japon représente un même pourcentage du commerce de chacun. L'EUrope se protège tout autant que les Américains et les Japonais, y compris par des mesures réglementaires ou des normes dites "barrières non tarifaires".
La Chine protége son industrie, l'Europe protège son agriculture
Les droits de douane européens sur les produits industriels sont en moyenne de 3 à 4 %. Pour la Chine, qui reste tout de même un pays en développement, c'est 9 %. Si l'on prend les droits sur l'agriculture, la situation est inversée. Les droits chinois moyens sont inférieurs à ceux de l'Union Européenne.
L'Union européenne recourt aussi très classiquement aux mesures anti-dumping. Début 2012, il y en a environ 150 en vigueur.
La Chine applique la législation minimale du travail de l'OIT
La Chine est membre de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) et doit respecter les normes sur le travail. Pour la Chine, il s'agit des normes minimales.
La taxe carbonne à la frontière reviendrait à subventionner les importations
Taxer le carbonne à la frontière semble avoir de nombreux partisans en France.
Mais les exportations de l'Europe (automobiles, machines, chimie pharmacie, aciers spéciaux...) ont un contenu carbonne plus important que ses importations.
Donc, si l'on voulait réduire le contenu carbonne aux frontières, il faudrait subventionner les importations !
Le commerce international de produits intermédiaires intégrés dans des chaînes de production globales
Aujourd'hui, abstraction faite des matières premières, le commerce est le fait de 50 à 60 % de produits intermédiaires intégrés à des chaînes de production globales.
Le commerce ce produits finis a fait place à un comemrce de tâches dont l'essor a été considérable au cours des 15 dernières années. Autrement dit, pour bien exporter dans le monde d'aujourd'hui, il faut d'abord bien importer.
Dans ces conditions, le protectionisme qui protège est un mythe. i vous pénalisez vos importations, vous pénalisez vos exportations. Désormais, savoir importer est un élément essentiel de la compétitivité d'une économie. Avec toutes les chaînes de production globales existantes, il ne fait guère de sens de parler de marchandises "made dans tel ou tel pays", la plupart des marchandises sont "made in the world".
L'Argentine et le Brésil peuvent avoir une politique industrielle protectioniste
L'Argentine et le Brésil sont peu engagés dans les chaînes de production globales et exportent à 60 % des produits agricoles et des matières premières.
Ils ne sont pas comparables à la France.
Le Costa Rica, le Chili et la Colombie sont, eux, davantages intégrés à des chaînes de production globales et ne misent pas sur le protectionisme.
La perte de compétitivité française
Du début des années 90 au début des années 2010, l'Europe a conservé une part stable du marché mondial (environ 20 %), alors que les USA et le Japon ont nettement régressé.
La France a perdu des parts de marché en Europe, 5 points dans les années 2000, sans dumping social ou environnemental.
Les effets limités d'une réevaluation du yuan
Le FMI estime la sous évaluation du Yuan dans une fourchette de 7 à 20 %.
Admettons que l'on mette fin à cette sous-évaluation. Sachant que 50 %, en gros, de la valeur des exportations de la Chine des importations, les 50 % de la valeur ajoutée chinoise reviendraient plus cher aprsè une réévaluation du Yuan. Mais les 50 % importés par la Chine seraient moins chers. Résultat : le nouveau taux de change aurait un effet neutre sur le solde commercial. Les effets positifs de la réévaluation du yuan seraient sur l'inflation chinoise...qui aujourd'hui détériore sa compétitivité.
Remarque : si la Chine résiste aux pressions d'une réévaluation du Yuan, c'est que cela augmenterait l'importation de produits finis non fabriqués en Chine (vins, cognac, champagne et parfums français par exemple) et augmenterait les dépenses des touristes Chinois à l'étranger.
Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an