Les enjeux en 2012
Concentration capitalistique et juridique de la distribution.
Le système de double autorisation (code du commerce et code de l'urbanisme), qui régit l'urbanisme commercial depuis la loi Royer de 1973, est devenu obsolète.
C'est le commerce qui commande l'urbanisme (priorité donnée à la rentabilité, au foncier, à l'accessibilité en voiture), alors que ce devrait être l'urbanisme qui commande le commerce (priorité donnée à l'aménagement du territoire et au développement durable).
Les CDAC sont devenues "des machines à dire oui".
Les Drive sont considérés comme des entrepôts et ne sont pas soumis à autorisation.
Historiquement, le commerce a été à l'origine du développement des cités, que ce soit sur les rives des fleuves ou les ports maritimes. L'administration romaine, puis le pouvoir royal, accordaient des monopoles de commerces et d'organisations de marchés aux villes qu'ils voulaient favoriser. A partir des années 60, la grande distribution s'est développée sans aucune logique urbaine, déstructurant la Cité et impactant l'ensemble de son territoires :
- Des implantations commerciales non contrôlées se traduisent par une consommation foncière excessive.
- Déplacements automobiles
- Déséquilibres urbains entre le centre-ville, les quartiers et la périphérie
- Déséquilibre commercial entre la grande distribution et le petit commerce
- Entrées de villes défigurées
- Les surfaces commerciales augmentent plus vite que la demande et les rendements au m2 baissent. Les friches commerciales vont se multiplier.
L'institut pour la Vile et le Commerce estime que la filière de l'immobilier commercial est entrée dans une bulle spéculative. Les distributeurs, investisseurs et collectivités sont dans l'incapacité de s'autoréguler : les valeurs locatives, les valeurs d'actifs et les valeurs foncières sont sur-évaluées. Certaines collectivités locales s'exposent à un effondrement de leur rente commerciale sur leur territoire.
Abandon de la nouvelle loi de l'urbanisme commercial de 2011
LSA dans son numéro du 29 Avril 2011 fait le point sur l'urbanisme commercial juste avant le vote des sénateurs.
Près de 3 ans de retard
La loi sur l'urbanisme commercial, qui devait être votée dans les 6 mois après l'adoption de la LME en Août 2008, n'a été soumise au vote des sénateurs qu'en Avril 2011
Les principaux points du texte voté sont les suivants :
- Pour favoriser les centres-villes, les règles d'implantation des commerces seront beaucoup plus souples qu'en périphérie
- La régle des 1.000 m2 pour s'implanter librement est amputée de 20 % grâce à une modalité technique (en incluant les bureaux et réserves).
- Les élus reprennent la main sur les autorisations d'implantation, via des CRAC dans lesquelles ils sont majoritaires.
- Des critères d'autorisation par secteur d'activité pourront être invoqués pour autoriser ou non l'établissement d'un magasin de plus de 1.000 m2 en périphérie : commerce alimentaire, équipement de la personne, de la maison, culture et loisirs.
- Une procédure simplifiée : La nouvelle loi vise a intégrer l'urbanisme commercial dans le droit commun de l'urbanisme, permettant d'avoir un seul texte et une seule autorisation qui sera le permis de construire.
Suppression des CDAC et CNAC devenues inutiles
Les CNAC ne jugeant que sur la forme juridique des dossiers faisant appel d'un refus en CDAC, étaient devenu des "machines à dire oui" selon l'expression du Sénateur Dominique Braye.
Même des dossiers ayant été refusés par la totalité des membres d'une CDAC pouvaient être finalement autorisés en CNAC.
Les CDAC et l'instance d'appel CNAC sont supprimées.
Création des CRAC : les politiques reprennent la main
Ce sont désormais les Commissions Régionales d'Aménagement Commercial qui prendront les décisions d'urbanisme commercial.
Les élus sont majoritaires dans les CRAC et leurs décisions ne pourront pas faire l'objet de recours.
Ceux qui sont pour : Communautés Urbaines, Procos, Commission Européenne
Auparavant, il était facile pour les quelques promoteurs de centre commerciaux et de la grande distribution de jouer un maire contre l'autre, dans un pays qui compte plus de 36.000 communes.
Désormais, les décisions d'urbanisme commercial se prendront dans le cadre des Communautés Urbaines.
La Commission Européenne aurait estimé que la loi votée en France "était exemplaire et pouvait servir de modèle à d'autres pays européens".
Procos compte 270 enseignes adhérentes, souvent membres également de l'Union du commerce de Centre-Ville (UCV) qui est contre la loi. C'est en tant que conseil des collectivités territoriales que Procos se révèle favorable à la loi, alors que l'UCV ne défend que les intérêts de ses entreprises membres.
Ceux qui sont contre : le CNCC, l'UCV, la FEH et certains ministres
Selon le Centre National des Centres Commerciaux (CNCC) "la définition des typologies de commerce sera extrêmement préjudiciable au commerce, avec notamment, le risque d'interdire toute évolution correspondant aux besoins des consommateurs, de voir émerger de véritables friches commerciales, et d'engendrer la perte de valeur des pas-de-porte des commerçants".
Le CNCC considère aussi que les CRAC pourraient devenir des "machines à dire non", à l'inverse de la CNEC. On passerait ainsi d'un extrême à l'autre sans passer par l'étape intermédiaire équilibrée.
L'Union du commerce de Centre-Ville (UCV) et la Fédération de l'habillement (FEH) sont sur la même ligne que le CNCC, car elles veulent elles aussi garder la maîtrise de leur développement, sans passer sous la coupe des Communautés Urbaines.
Frédéric Lefebvre, Secrétaire d'Etat du commerce et de l'artisanat, veut conserver les CDAC et les CNAC et s'oppose à la notion de typologie de commerces.
"Que vaudra un pas-de-porte dans une zone dont la typologie de commerce ne correspond pas au fond du commerçant qui cherche à céder son commerce ?"
"L'introduction de critères de localisation par typologie de commerces risque de rigidifier considérablement le découpage de nos territopires, avec une approche trop planificatrice. En privilégiant cette approche, le législateur figerait les équpements commerciaux dans des configurations dont le cycle d'évolution n'est pas celui des demandes et des goûts des consommateurs. Cela risquerait également de créer des rentes de situation dont pourraient bénéficier notamment les grandes enseignes actuellement installées dans les territoires, avec un risque fort d'augmentation des prix pour les consommateurs".
Le Ministre du Logement et de l'Urbanisme n'est pas en faveur de la typologie en secteurs d'activité des pôles commerciaux de périphérie.
Tout en reconnaissant les excés passés des zones commerciales, Jean-François Tessler, expert en droit du commerce, craint que l'on tombe dans un excés inverse, où les politiques décident seuls, sans véritable connaissances des rapides mutations commerciales.
"La loi a un côté directif et prescriptif jamais vu dans le secteur. Regardez, par exemple, le niveau de précisions indiqué dans le Document d'Aménagement Commercial (DAC) : un nombre de mètres carrés maximal est fixé par type d'activité, avec une surface dédiée à l'alimentaire, à l'équipement de la personne, de la maison....Une boutique de textile ne pourra céder son fonds de commerce, par exemple, qu'à un commerce de même nature ! Un disquaire souhaitant devenir vendeur en téléphonie mobile ne pourra pas faire évoluer son activité....C'est aberrant ! Le commerce est une activité vivante qui a besoin de flexibilité : attention à ne pas figer, via une planification poussée à l'extrême ne permettant pas l'ouverture aux nouveaux entrants !
Les commerçants ne sont pas inclus dans la conception du SCOT. C'est infiniment regrettable, car leur apport est indispensable pour ne pas tomber dans une vision trop théorique du commerce. Sans eux, comment les SCOT pourront être adaptés aux évolutions très rapides du secteur, aux réalités du marché? Qui va s'assurer qu'ils seront assez souples pour que l'activité commerciale puisse évoluer librement ?" Les Chambres de Commerce ont leur mot à dire.
En instaurant le permis de construire comme autorisation unique, la gestion des litiges sera encore plus longue. "Les recours seront renvoyés devant la machine judiciaire administrative, à savoir les tribunaux administratifs et les Cours administratives d'appel. En dernier ressort, ils pourront remonter jusqu'au Conseil d'Etat. Avec ces 3 niveaux distincts, il faudra 5 à 7 ans pour purger les recours.
source : Points de Vente n° 1093 du 9 Mai 2011 page 18 et n° 1097 du 4 Juillet 2011 page 24
SCOT
LSA, dans son numéro du 24 Juin 2010, a fait une remarquable synthèse sur les enjeux actuels de l'urbanisme commercial.
* * * * *
Lors du vote de la LME en 2008, le gouvernement avait promis un projet de loi sur l'urbanisme commercial dans les 6 mois.
Le 16 Juin 2010, l'Assemblée nationale a voté en première lecture une proposition de loi sur l'urbanisme commercial qui veut donner aux maires les moyens de maîtriser le développement des grandes surfaces dans leur ville, en intégrant les règles de l'urbanisme commercial au Code général de l'urbanisme selon le principe que "l'urbanisme commande le commerce , et non l'inverse". Le schéma de cohérence territorial (Scot), élaboré par les maires de plusieurs communes d'une agglomération, sera le document maître en la matière.
Les points forts du Scot
--> Renforce l'intercommunalité
--> Initie une politique d'aménagement du territoire
--> Le Scot mettra fin aux pratiques de recours et autres contentieux à répétition - la politique de l'obstruction systèmatique.
--> La prise de décision au niveau de l'intercommunalité et une vision sur le long terme réduit de façon considérable le risque de corruption politique.
--> Un Scot bien fait permet de faire évoluer l'appareil commercial de façon harmonieuse.
--> Cette réforme, qui se traduit par la suppression des lois Royer (1973) et Raffarin (1996) est réclamée par Bruxelle
Les limites du Scot
--> Multiplication des magasins de moins de 1.000 m2, non soumis aux contraintes du Scot
--> Seuls les élus élaboreront le Scot, alors que les commerces et les promoteurs auraient souhaité participer à son élaboration.
--> Risque élevé de délit d'initié : comme pour les travaux de Haussmann au XIXè siècle, la connaissance en amont des choix urbanistiques pourrait générer une spéculation sur le foncier, créant une inflation artificielle au détriment de la filière commerciale et des consommateurs.
--> Un Scot trop rigide pourrait créer des rentes de situations (enseignes déjà implantées protégées de l'arrivée de la concurence) et alimenter l'inflation de l'immobilier commercial (m2 insufisants). Les vieux centres commerciaux des années 70 ne seraient pas incités à se rénover, les enseignes innovantes ne pourraient pas s'implanter, les marchés en forte croissance subiraient une évasion commerciale.
--> Le Scot ignore le problème du morcellement des zones commerciales en entrée de ville qui est à l'origine de leur laideur. Il faudrait que les politiques s'impliquent pour imposer un remenbrement et une gestion collective de ces zones commerciales en entrée de ville, comme dans les rues commerçantes du centre-ville.
--> Le texte de ce projet de loi, voulu pas les députés, pourrait être bloqué par le gouvernement ou le Sénat.
--> Le texte ne pourra pas être mis en application avant 12 mois, des amendements pourraient le vider de sa substance.
Rappel historique
1960 : Circulaire Fontanet
En interdisant aux industriels le refus de vente, la circulaire Fontanet rend possible le développement du commerce moderne.
Circulaire de 1969
Les projets de plus de 10.000 m2 de plancher sont soumis à l'autorisation d'un comité consultatif spécialisé.
Loi de 1969
Les projets de plus de 3.000 m2 de surface de vente sont soumis à un avis, sans pouvoir de décision, des Commissions Départementales d'Urbanisme Commercial (CDUC) et création des CNUC.
1973 : Loi Royer
L'objectif est de sauver le petit commerce.
Obligation d'une autorisation auprès d'une Commission Départementale d'Equipement Commercial, préalable au permis de construire, pour implanter ou agrandir un commerce de plus de :
- 1.000 m2 dans les communes de moins de 40.000 habitants
- 1.500 m2 dans les communes de plus de 40.000 habitants
Les CDUC ont désormais un pouvoir de décision et plus seulement consultatif.
1993 : loi Sapin
Jusqu'en 1992, avec l'autorisation du permis de construire, les municipalités avaient le dernier mot pour autoriser la création d'une grande surface. Un tel pouvoir détenu par les 36.000 maire de France a provoqué le scandale de corruption de certains élus.
La loi Sapin se veut une loi préventive à la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques. Les CDUC sont transformées en CDEC
1996 : Loi Raffarin
Le seuil de surface soumise à autorisation préalable est abaissé de 1.000 m2 à 300 m2, pour freiner le développement du hard discount. Ceci aura pour conséquence que le hard discount en France se développera dans les centres-villes.
Tout projet de plus de 6.000 m2 est soumis à enquête publique, préalablement au passage en CDEC.
Expérimentation des Schémas de Développement Commercial.
Les discounters allemands considèrent que la loi Raffarin est un frein à leur développement en France. Aldi saisi la Cour Européenne et fait condamner la France.
2000 : loi "SRU'
La loi de Solidarité et Renouvellement Urbain inclue les SDC aux Schémas de Cohérence Teritoriale (SCOT) élaborés par l'Etat et les collectivités.
2008 : LME
La législation française doit se conformer au droit de libre implantation commerciale de la législation européenne.
Dans le cadre de la LME le gouvernement annonce le passage de l'urbanisme commercial dans l'urbanisme de droit commun. La proposition de loi est portée par les députés Jean-Paul Charrier, puis Patrick Ollier et Michel Piron (UMP)
- Le seuil d'autorisation est rehaussé de 300 m2 à 1.000 m2. Une erreur dans le décret d'Août 2008 permet de faire des extensions sur les réserves (source Points de Vente 6 Juin 2011 page 33).
- Pour les communes de moins de 20.000 habitants qui ne sont pas couvertes par un SCOT, le Maire ou le président d'EPCI dispose d'un droit de dérogation pour les projets de 300 à 1.000 m2.
- Les CDEC et CNEC sont remplacées par les CDAC et CNAC, d'où sont exclus les chambres consulaires.
- Le SCOT peut intégrer un Document d'Aménagement Commercial (DAC)
- L'indice des loyers commerciaux remplace l'indice du coût de la construction de l'Insee (basé sur le coût de l'énergie). Les enseignes organisées bénéficient de loyers plus raisonnables, dont une partie est indexée sur leur CA.
2010 : loi "ENE" ou Grenelle 2
Cette loi de l'Engagement National pour l'Environnement rend obligatoire l'intégration du DAC pour tout ce qui concerne la partie commerce du SCOT.
2011 : Proposition de Loi Ollier
La réforme de l'urbanisme commercial portée par les députés Jean-Paul Charrier, puis Patrick Ollier et Michel Piron (UMP), est étudiée par l'Assemblée puis le Sénat.
Pour la première fois une loi d'urbanisme commercial porte sur l'équilibre des lieux et non plus des formes de commerce. La proposition de loi définit des centralités et des zones périphériques où les surfaces de plus de 1.000 m2 seront soumises à autorisation.
Un amendement du Sénat vise à fixer un nombre de m2 par secteurs d'activité (alimentaire, équipement de la personne....).
Cette proposition de loi, votée en première lecture au Parlement et au Sénat, ne sera finalement pas appliquée à quelques ois de l'élection présidentielle de 2012.
sources :
http://www.adcf.org/files/AdCF-EtudeUrba-120712-V3-4.pdf
Supprimer les publicités sur ce site pendant 1 an